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Ma maison comme vous ne l'avez jamais vue! |
Le premier choc en arrivant à Singapour c'est la découverte du statut de ces "helpers", mot plus gratifiant que le véritable nom "Maid" et plus charmant que leur appellation légale "Foreign Domestic Workers" (FDW).
Ce statut, j'en avais déjà entendu parler par ma mère, qui avait eu son helper aux Emirats lorsque nous étions enfants. Elle m'avait raconté comme leur statut était précaire, mais en même tant "Emma" c'est devenu notre nounou, notre "Lovely Nounou" comme dit
Merichan. Il y a cette magnifique photo d'elle avec ma blondinette de soeurette dans les bras. Comme toujours, et surtout il y a trente ans quand Internet n'existait pas, nous avons perdu sa trace, mais elle est là dans nos mémoires et cette photo est encadrée dans la chambre de ma soeur. Emma avait quand même un statut presque confortable car elle vivait avec son mari dans une maison jouxtant la nôtre. Comme toutes, elle avait laissé ses enfants au Sri Lanka et elle travaillait dur pour pouvoir assurer leur avenir.
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Emma, et ma petite soeur, encore aujourd'hui, nous nous souvenons d'elle avec émotion... |
Evidemment, comme la plupart des français, je ne voulais pas prendre part à ce système tant que j'étais à la maison. Pour un tas de raisons, être mal à l'aise avec une personne à la maison, pouvoir en cas de retour me débrouiller à nouveau seule...
En même temps, il faut comprendre plus largement la situation de ces travailleurs et comprendre ce qui sous-tend cette problématique avant de faire des jugements à l'emporte-pièce.
Généralement c'est le genre de messages qui déchainent les insultes,
sur les blogs de mes compatriotes, et qui a pour sûr déclenché un maximum de records de posts sur Singapours Nanas, le groupe facebook des françaises de la Cité-Etat (près de 300 commentaires sur le dernier post).
Pour résumer, en Asie, de la Chine aux Emirats, en passant par l'Inde, des milliers de travailleurs pauvres s'exportent pour faire vivre leur famille, et soutenir l'économie locale de leur pays.
C'est simple, sans ces travailleurs, l'économie des Philippines se casse la figure. c'est simple, sans ce travail, ses familles sont vouées à ne pas sortir du tiers-monde, à survivre, et pour beaucoup, à se prostituer... Aujourd'hui, l'argent qui est envoyé par ses travailleurs et supérieur au PIB des Philippines... Tous sont sur le même schéma, des enfants éduqués par les grands-parents (mais ce qui en Asie est vrai partout, les grands-parents ont un rôle capital dans l'éducation), les parents s'exportent pour gagner de quoi s'offrir une maison, payer les futures études de leurs enfants, et pour les plus prévoyant même s'acheter une "source de revenu" (une plantation, une vache...)
Un article sur le sujet ici
Ces travailleurs ne vont pas exclusivement en Asie, on en a trouvé pendant des années dans certains pays d'Europe, et l'immigration des pays d'Afrique / d'Afrique du Nord en France ou ailleurs en Europe, et d'Amérique du Sud vers l'Amérique du Nord, ne laisse pas des statuts spécialement plus florissants, mais on a tendance à se dire que dans la patrie des Droits de l'Homme, il n'y a pas de travailleurs pauvres, et de toutes façons, tant que ce sont des travailleurs sans statuts, ils ne devraient même pas travailler - ouf notre honneur est sauf - (ou comment se cacher les yeux)
A Singapour, c'est clair que les Droits de l'Homme ne sont pas la première préoccupation, et la peine de mort et les coups de batons sont encore en vigueur... Mais, on ne peut résider sur le territoire singapourien qu'avec un statut, et qui est en rapport avec notre activité et/ou notre revenu, voir votre nationalité.
Je m'explique, suivant le salaire que vous avez, vous ouvrez un certain niveau d'Employement Pass (EP), vous avez à partir de là droit à des Dependant (Epoux/se, enfants). A l'inverse, en-dessous de ce niveau vous êtes avec un S-Pass, qui ne vous permet pas d'entretenir une famille sur le sol singapourien, donc vous ne pouvez pas emmener vos Dependant avec vous.
Les FW (Foreign Workers et les FDW), ne peuvent venir que de certains pays, et avoir un nombre de métiers limités (entretien domestiques, travail sur les chantiers de constructions...), leurs salaires sont très faibles, mais en échange ils sont logés, nourris, blanchis, leur transport est pris en charge, y compris le retour au pays (une fois tous les deux ans). L'argent perçu est donc directement envoyé au pays. Le gouvernement singapourien se fait au passage plaisir en récoltant 265$ par mois de taxes, qui ne servent à rien... (265$ c'est la moitié d'un salaire d'un FDW correctement payé)
Ces travailleurs, sont de service pour la plupart 6 jours/7 (un jour de congé par semaine a été instauré en janvier 2013), voir 7 jours sur 7, avec des journées de travail frôlant les 15h par jour...
Un statut qui évidemment, heurte nos principes, et surtout les miens en tant que RH. Mais ce serait mentir, de dire que je ne connais pas de statuts aussi précaires en France, et qui ne sont pas Foreign Workers. Oui, oui, la petite caissière de votre Ed à Paris, qui vit seule avec ses deux enfants et au SMIC, qui travaille souvent à temps partiel sur des horaires décalés, n'a pas spécialement un statut plus glorieux. Elle a des droits, certes, mais au final son niveau de vie n'est pas meilleur, et je mettrais juste en parallèle sa vision à elle du futur avec celle de ma Kathy, ou celle de
Nilu.
Car en effet, on peut être un employeur exigeant... Et là l'article de My Little Singapore sur le sujet vous fera mourir de rire:
ici ou penser qu'on ne pourrait juste éviter d'en recruter et avoir la conscience tranquille, pour cela je vous conseille de ne plus aller au supermarché, ni d'aller vous faire manucurer, vous entretenez les mêmes horreurs en droit du travail. Là aussi Olivia le raconte bien
ici, mais le mieux serait de discuter avec votre esthéticienne à Singapour la prochaine fois: le nombre d'heures qu'elle fait, où elle habite, quand est-ce qu'elle rentre chez elle, as-t-elle des enfants, qui s'en occupe... C'est assez édifiant...
On peut aussi être un "bon employeur" et savoir se poser des limites à ses propres exigences, ne jamais oublier que cette femme en face de vous a le droit d'être aussi inefficace que vous :)
Clairement, travailler à Singapour, c'est relativement "facile" dans le sens où c'est le pays au monde où le plus de femmes d'expat' ont une activité. Pour beaucoup, elles en profitent pour monter leur entreprise, mais derrière l'image de la Thaï-Thaï qui passent son temps à faire du shopping et à se faire des manucures (et dans le fond on est nombreux/nombreuses à rêver d'avoir rien d'autre à faire que lire des bouquins au bord d'une piscine avec une magnifique manucure, et sur notre dernière folie, ce magnifique Kindle), il y a quand même beaucoup de couples où les deux parents sont actifs, et s'offrent des lectures sur Kindle au bord d'une plage de rêve, mais vacances qu'ils s'offrent sur leur 15 jours de vacances par an, et gagnées à la sueur de leur front (une pensée émue pour ceux qui se reconnaîtront)
En choisissant aujourd'hui de rejoindre ce côté du miroir, je sais que je ne serais plus là quand mes enfants rentrent de l'école à 16h, que je n'aurais plus toutes les vacances avec eux, je sais qu'en travaillant à Singapour, j'ai renoncé au magnifique système de garderies péri-scolaires, centre de loisirs et autres études, qui permettent aux parents français de travailler tous les jours ouvrés de l'année.
Evidemment, ce quotidien de parents est d'une dureté à tout épreuve, être parents c'est le plus dur challenge, et pas seulement parce qu'il faudra "éduquer" au sens propre d'"élever" ses enfants, mais parce que physiquement personne ne pourra dire que c'est facile.
Etre debout à 6h du matin pour le bus de l'école, faire le ménage, le repassage, les devoirs, penser à tout, du dernier rendez-vous de dentiste, au billet de 10$ pour le spectacle de théâtre du lendemain, savoir prendre le temps de jouer, tout en s'épanouissant dans sa propre vie, passer la nuit à dorloter le petit dernier fiévreux, tout en assurant le lendemain, c'est simple c'est quasi mission impossible et celles/ceux qui vous diront que c'est vraiment trop cool, demandez-leur leur recettes... Moi je suis comme Emma, une mauvaise mère (
ici le lien vers le blog qui vous fera le plus rire), doublée d'une bordélique pas très efficace en tâches ménagères, et qui plus est dans le genre étourdie (pour mes employeurs précédents, présents et futurs: veuillez noter bien entendu que cela ne s'applique qu'à mon intérieur et à ma famille, je suis diablement efficace en vrai), et Kathy a sauvé ma vie :)
Je suis passée de ce côté du miroir, car familialement, avec des enfants scolarisés de 9 et 6 ans, il n'y a pas d'autres solutions qui existent me permettant de travailler à un rythme normal. Certes, on me dira qu'il y a des Shali (mon article
ici), mais Shali ne voyait pas sa fille de la semaine, faisait 10 à 12h de ménage par jour sans pauses, en se rendant d'employeurs en employeurs en vélo, vivotait à Singapour, et si au quotidien elle aurait peut-être pu assurer le 16h-20h chez moi, il fallait qu'elle n'ait aucun autre contrat pour être libre à plein temps sur les vacances scolaires. Impossible... (ou invivable pour elle)
Kathy, nous a séduit, Arnaud et moi. Elle avait un dossier que n'importe quel employeur français aurait refusé:
- elle travaillait dans une famille chinoise avant, qui ne fait pas partie des plus souples, et n'a donc pas eu le "droit" de chercher une autre famille avant la fin de son contrat.
- Nous l'avons donc rencontré avant son retour aux Philippines (qui a lieu tous les deux ans), et pour ces filles, partir sans employeur est couteux... Il faudra repayer les agences (oui on pourrait dire le passeur), et il est difficile de convaincre un employeur par skype.
Elle nous a séduit parce que déjà elle est arrivée bien à l'heure, et a même réussi à monter jusqu'à notre appartement seule (Débrouillardise ++++ pour ceux qui connaisse mon appartement), elle nous a séduit car elle a été bavarde (Communication +++), et qu'elle nous a expliqué avant qu'on l'interroge sur ses plans d'avenirs, qu'elle économisait avec son mari qui travaille à Dubaï pour payer des études à ses enfants (deux filles de 8 et 9 ans), pour qu'ils puissent avoir un travail mieux que le leur. Elle nous a convaincu quand elle a parlé de cuisine avec les yeux qui brillent (elle aime ça, on aime ça, nous aimons ça). Elle a même retenu entre les deux entretiens quelques mots français. Elle ne s'est pas plaint de ses anciens employeurs, mais je voyais bien qu'il y avait un malaise à parler d'eux. Ses yeux fuyaient, elle commençait à s'embourber dans ses mots, le stress montait d'un cran. J'ai compris que sa vie n'avait pas été facile à se lever tous les matins à 4h pour laver les voitures, et à s'occuper de la maison et d'un bébé de l'âge de Sacha qui n'allait pas à l'école. Et le SMS dudit employeur avait matière à nous décourager "elle cuisine bien, pour le reste je préfère m'abstenir..."
Peut-être que je me suis trompée, l'avenir me le dira, mais moi je me suis basée sur mon feeling, en tant que DRH je sais qu'une appréciation d'un employeur précédent et à considérer avec des pincettes, et que le plus intéressant c'est de sentir qu'on peut travailler avec quelqu'un. Et puis j'ai la chance de ne pas être 24/7 avec elle, ce qui fait que forcément ses travers me portent nettement moins sur les nerfs!
Kathy, c'est simple, assure à mort et putain on est dimanche aujourd'hui et c'est super dur... on va devoir commander un Mac Do... :)
Kathy, elle prépare des crêpes pour le petit dèj, brosse les cheveux des enfants avant d'aller à l'école (oui mes filles ne sont plus hirsutes), la maison est nickel chrome, les vêtements repassés, et tous les soirs l'uniforme de Sacha est prêt, le jeudi soir, elle a déjà pensé à ce qu'elle allait leur emmener à l'école en allant les chercher, et quand je rentre le soir, un dîner m'attend et surtout... quand je passe la porte j'ai un grand sourire d'elle , les enfants me sautent dans les bras, et je n'ai plus que des câlins à partager (chose que je ne faisais plus depuis des mois). Les enfants l'adorent et je suis redevenue une maman épanouie, et ça ça n'a pas de prix...
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le dîner qu'elle a préparé pour son dîner d'anniversaire |
J'espère que j'aurais les moyens de lui permettre à son tour, d'être une mère épanouie, qui reviendra comme elle le souhaite dans quelques années, avec les moyens d'offrir un avenir à ses filles...
J'espère que j'aurais les moyens d'apporter autant qu'Olivia à Nilu, autant que Florence à Josephine, Gaelle et Nina autant que Merichan à Lovely Nounou, Sandra et Carmen et leur live-out, car ces femmes (pardon pour les zhoms: je corrige) ces familles d'accueil font bien plus qu'un chèque à une association humanitaire de temps en temps, qu'un like sur les restaurants du coeur, elles offrent un avenir à ses femmes et à leur famille...
Une pensée émue à toutes ces petites mains du quotidien qui nous allège la vie
Ici ou ailleurs...
Et à toutes celles qui savent donner...
*** Tips***
Vous voulez embaucher une helper.
A lire:
- le livre d'Anne Genetet "Comment choisir une employée de maison?" qui vous briefera sur les principaux écueils d'un recrutement et surtout sur les différences culturelles, qui sont des incompréhensions... (je la trouve à peine trop pointilleuse sur l'entretien car les questions posées sont celles qui sont posées à l'entretien d'embauche d'auxiliaire de puériculture en crèche en France... ces filles n'ont pas le même niveau d'études)
- je suis finalement passée par l'agence Happy Home Agency à Lucky Plaza (6ème étage), sur l'insistance de ma helper (je pense qu'il y a au moins autant d'histoires de mauvais employeurs, que de mauvaises maids, je peux comprendre que ça la rassure). Ce que j'ai aimé sur cette agence, c'est qu'ils étaient toujours au point sur mon dossier, même quand j'appelais: ils savaient où j'en étais; qui j'étais, et j'ai apprécié qu'ils connaissent bien Kathy, et puissent m'en parler. Ils ont été efficaces et ont permis à ce qu'elle revienne en moins d'une semaine.
D'autres françaises m'ont dit qu'elles avaient eu la même impression positive avec eux...
Coût:
- Frais d'agence variables (pour nous 388$)
- Frais pour la maid: 1500$ comprenant son billet d'avion aller (et ce qui n'est pas dit: les petits bakchichs pour les douaniers aux Philippines), qu'elle rembourse en plusieurs mois à l'employeur.
- Contrôle médical d'entrée (et à refaire tous les 6 mois): 55$
- Assurance pour le deposit au MOM: 35,31$ (un employeur doit fournir une caution de 5000$, les assurances prennent en charge ce deposit)
- Assurance médicale pour votre helper: 54,50$ (on a pris la meilleure)
- Salaire mensuel: 500$ - fixé en fonction de son expérience, de votre budget, de son ancien salaire et de ses prétentions - (rien ne vous retiens de mettre de côté sur un compte pour elle une somme complémentaire que vous lui ferez la surprise de lui offrir le jour de son départ... cela évite que la famille dilapide cette manne avant son retour au pays... et rien ne vous empêche de la payer plus bien-sûr, même si je préfère le principe précédent et celui d'Anne Genetet, du bonus après services exceptionnels)
- Taxes mensuels pour le gouvernement singapourien: 265$
- Vous avez bien-sûr en charge son alimentation, ses produits de beauté ce qui constitue environ 300$ par mois
- Aménagement de sa chambre (achat d'un lit / matelas / ventilateur / draps...)
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La chambre de ma Kathy, sacrément imparfaite (trop petite et sans aircon), j'espère qu'on pourra lui offrir autre chose dans notre prochain appart en juillet... Stay Tuned! |
En résumé attendez vous à 2500-3000$ de frais à son arrivée et à un coût mensuel d'environ 1000$, sachant que seulement 500$ iront dans sa poche... d'où l'intérêt d'éviter les agences, surtout pour elle...
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